Dans la quête des sources du malaise profond qui parcourt toute l'oeuvre de Benjamin Constant, on ne peut qu'être frappé par la place qu'occupe la douleur dans les préoccupations de cet auteur. Adolphe constitue à ce titre un bon exemple de ce phénomène, mais pour en rendre compte convenablement, il convient de l’examiner dans ses rapports avec la mauvaise conscience tant ces deux sentiments sont interchangeables et entretiennent des liens de cause à effet. Après avoir déterminé les modalités selon lesquelles douleur et mauvaise conscience se conjuguent, il est vite apparu que la douleur modelait l’intersubjectivité par le recours à des thèmes proches comme la pitié et la compassion, voire la cruauté et la tyrannie. Cette configuration complexe de la douleur n’a bien souvent pas été prise en compte par la critique qui s’est souvent servi d’Adolphe pour porter un jugement moral sur Constant alors qu’il aurait été plus judicieux de tenter de déceler les enjeux de la douleur non seulement pour le narrateur et son amante, mais aussi pour le lecteur.Dans la quête des sources du malaise profond qui parcourt toute l'oeuvre de Benjamin Constant, on ne peut qu'être frappé par la place qu'occupe la douleur dans les préoccupations de cet auteur. Nombre de réflexions théoriques à propos de la douleur se retrouvent dans les différents écrits sur la religion, mais le thème de la souffrance est aussi repris dans les écrits intimes et les oeuvres de fiction pour y exprimer le malaise ressenti par la douleur causée à autrui. Adolphe offre un excellent exemple d’exposition de la douleur dans la mesure où elle constitue la trame principale du récit. S’y trouvent aussi des enjeux nombreux et d’importance, mais difficiles à percevoir en raison de la grande charge émotive imprégnant les relations d’Adolphe et d’Ellénore et de la structure narrative particulière à cette oeuvre. Pour nous aider à déterminer les enjeux de la douleur, il sera dans un premier temps utile d’en examiner les manifestations dans ses relations avec la mauvaise conscience qui taraude le narrateur tout au long du récit. S’attacher à percevoir les liens entre ces deux sentiments n’est en rien arbitraire dans la mesure où ils s’imbriquent dans une causalité réciproque.